16 septembre, 2011

Socialistes, nucléaire et autruche.

Comme beaucoup de gens hier soir, j'ai regardé le premier débat de la primaire socialiste devant servir à désigner le candidat de ce parti à l'élection présidentielle. Outre la multiplication de propositions farfelues et/ ou vagues, j'ai été surpris (positivement) par le rôle central de la question nucléaire dans ce débat. On a en effet assisté à une passe d'arme entre François Hollande et virtuellement tout le monde sur la question de la sortie du nucléaire, celui-ci passant presque pour le conservateur de la bande en ne proposant que de diminuer la part du nucléaire dans la production électrique française d'un tiers d'ici 2025.

Quelques remarques sur la proposition d'Hollande. Tout d'abord sur la forme : Hollande n'a pas été bon. Il est apparu très défensif sur cette question, et s'est laissé acculer dans un coin. Déjà dans la partie interview du débat, il est apparu gêné et a tourné autour du pot quand les journalistes lui ont demandé s'il soutenait une sortie complète du nucléaire. Si cet homme veut incarner l'espoir socialiste pour la présidentielle, il va devoir muscler son discours sur les questions environnementales et énergétiques; questions sur lesquelles il est apparu peu à son aise comparé à, par exemple, une Ségolène Royal dont elles constituent clairement un axe majeur de campagne.

Sur le fond maintenant. Malgré le mauvais packaging de ses propositions, Hollande est quasiment le seul à avoir su mettre un chiffre sur la table (Royal a proposé une sortie complète en 40 ans). Les autres se sont soit réfugié derrière les incertitudes concernant le coût de la sortie du nucléaire (Montebourg), ont botté en touche (Baylet), ou on proposé des mesures vagues sans échéancier précis (Aubry). Il est assez frappant de voir que le deuxième parti de gouvernement de France n'arrive pas à avoir une orientation précise sur la question énergétique centrale du pays. La proposition d'Hollande, même si on ne voit pas bien d'où elle sort ni sur quels calculs elle est fondée, a le mérite de proposer un cap et de servir d'étalon pour le reste des socialistes, à l'exception de Royal. Cela étant, Hollande a été incapable de détailler sa proposition : combien de fermetures de centrales une telle diminution représenterait ? Pour quel coût ? Quelle alternative ? Soutenue par quels mécanismes ? Les autres candidats ne sont pas plus engagés, et pour des raisons évidentes : Baylet et Montebourg sont tous deux présidents du Conseil général d'un département abritant une installation nucléaire (Golfech en Tarn-et-Garonne, Chalon/Saint-Marcel en Saône-et-Loire), gros bassins d'emplois dans leurs circonscriptions, et Aubry est apparue complètement dépassée par la question ("préparer la France a une sortie du nucléaire"). Seule Royale a précisé qu'elle comptait fermer tous les réacteurs, à l'exception de 2 qui serviraient au retraitement des déchets.

Finalement, qu'avons-nous observé hier soir ? Nous avons tout d'abord pu voir le Parti Socialiste débattre pour la première fois depuis le début du programme thermonucléaire français du bien-fondé de celui-ci, et de son rôle dans la stratégie énergétique nationale. C'est tard, très tard, et montre que sur cette question, comme sur tant d'autres, le PS est un parti suiviste dont le programme est modelé en priorité par l'actualité et les flottements de l'opinion publique. Le PS ayant toujours été un parti productiviste et pro-nucléaire, il est normal que la vieille garde éprouve des difficultés à renoncer à un programme qui a lui a permis de faire l'autruche sur les questions énergétiques pendant 30 ans. Il est toutefois positif que le PS prenne enfin ses responsabilités sur la question. Nous avons aussi pu observer l'émergence d'un consensus pour une diminution sensible du rôle du nucléaire dans la production électrique en France. Et, pour qui connaît un tant soit peu l'histoire politique française des 40 dernières années, c'était une chose absolument inconcevable pour la gauche (à l’exception notable des Verts dont c'est la raison d'être).

On peut donc se féliciter de voir un des grands partis politiques français se rendre à l'évidence de la nécessité absolue de transformer la manière dont ce pays se fournit en énergie. Réduire la part du nucléaire dans la production électrique coûtera probablement cher, mais permettra de diminuer diminuer les risques d'accidents tout en créant une production décentralisée, sûre et renouvelable. Le PS a accumulé énormément de retard sur les questions environnementales et énergétiques, mais il était revigorant de voir ses principaux cadres enfin sortir leur tête du sable.



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